C’est un spectacle étrange qui attendait les visiteurs de la Cité de Carcassonne dans les tous premiers jours de Décembre 2016. Imaginez : juché sur un échafaudage à 8 mètres de hauteur, un personnage en combinaison lunaire, un masque sur le visage, s’affairait autour d’une des gargouilles de Saint-Nazaire. De l’aube jusque tard dans la nuit, par un froid glacial, il menait un étrange ballet dans les airs.
A 8 mètres de hauteur (©Ph. Benoist)
Un voleur, un toiletteur pour animaux bizarres, le pratiquant de quelque culte obscur ?
Rien de tout cela. Il s’agissait de réaliser le moulage grandeur nature d’une gargouille. Et l’expression « grandeur nature » n’est pas un vain mot si l’on considère que le démon de pierre qui surplombe le Portail Sainte Anne de la Basilique ne mesure pas moins d’1,5 mètre, pour sa seule partie émergeant du mur de l’église. Vu du plancher des vaches, il paraît certes beaucoup plus modeste mais vu de près, c’est un véritable monstre de pierre, lourd, massif.
Une opération respectueuse des règles…
Inutile de vous dire que toutes les précautions, administratives comme matérielles, ont été prises. Hors de question d’endommager la vénérable sculpture ! Elle a beau ne remonter qu’au XIXème siècle –une paille au regard de l’ancienneté de l’église! – elle fait l’objet de toutes les attentions. Celles de la municipalité et de l’Architecte des Bâtiments de France qui ont tous deux délivré leur autorisation pour que l’opération puisse se dérouler.
… et du monument
C’est la raison pour laquelle le fonds de dotation a fait appel à un artisan spécialisé dans ce type d’opération. Michaël Guillot, l’homme par lequel le moulage – et non le scandale! – arrive est un jeune médiéviste qui a trouvé dans ses recherches universitaires un prolongement manuel. Amoureux de l’Histoire, il a trouvé dans les vieilles pierres matière à concrétiser sa passion. Installé à Lagrasse, où il collabore avec un autre artisan, Alphonse Snoek, connu et reconnu pour ses reproductions de détails dénichés dans des abbayes et châteaux (chapiteaux et objets usuels mais aussi statues monumentales) de France et d’ailleurs. La technique est parfaitement au point : protéger la pierre, y apposer de silicone à séchage rapide, réaliser les coquilles qui rendront le démoulage possible… et, enfin, récupérer le moule qui permettra de réaliser des copies de l’original en résine et fibre de verre.
Des reproductions à l’identique pour permettre à des plasticiens contemporains de s’exprimer
Ces copies, des artistes d’aujourd’hui vont s’en emparer. Ils vont se saisir de la forme, neutre mais pourtant fidèle de la gargouille, pour exprimer leur talent. Comme Viollet-le-Duc qui, en son temps, a pris son pinceau pour recréer les gargouilles disparues, ils vont les réinventer, nous montrer ce que le XXIe siècle comprend d’une tradition architecturale séculaire. Leur travail donnera lieu à une exposition à ciel ouvert, à l’échelle de la Cité de Carcassonne. Ce sera à l’automne 2017. Notez ce rendez-vous dans vos agendas.
Vous retrouverez tous les détails de cette opération dans La Ronde des Gargouilles.
Une couche d’élastomère pour prendre une empreinte précise (©Ph. Benoist)
Le moule (©Ph Benoist)